Kylian Mbappé a beau être une star, il n'a disputé qu'une seule finale de Ligue des Champions, en 2020, dans un contexte très spécial et où il n'a pas brillé. Au Real Madrid, il intègre un vestiaire qui vient de soulever la coupe pour la deuxième fois en 3 ans. Il aura beau être tout en haut de la hiérarchie des salaires, son palmarès en club ne le mettra pas au-dessus de la pyramide.
Contrairement au PSG où il a publiquement pu se montrer agacé par sa situation personnelle, soit directement soit par messages sybillins, le capitaine des Bleus bénéficiera-t-il toujours d'un statut particulier au sein du vestiaire merengue : "l'arrivée de Mbappé au Real Madrid représente un séisme dans le football mondial, assure notre collègue David Olivares de Flashscore Espagne. Personne ne doute que, bien que le Real Madrid soit l'actuel champion d'Europe, il sera le titulaire incontesté".
Néanmoins, il y a des joueurs en place qui viennent de réaliser le doublé Liga-C1. Dans quelles conditions pourra évoluer Mbappé la saison prochaine avec Carlo Ancelotti ? Plusieurs cas de figure se posent mais, peu importe le système, il devra courir et défendre, à l'image de Vinicius Jr, Rodrygo et Jude Bellingham. C'est avant tout par le respect des consignes à la perte de balle que le Real Madrid parvient à asphyxier ses adversaires.
Une concurrence naturelle avec Vinicius
Mbappé préfère jouer sur le côté gauche. Problème : Vinicius Jr a gagné ses galons à ce poste. Non seulement, il abat un gros travail de repli mais, en plus, il continue d'aligner d'excellentes statistiques offensives. Contre Liverpool en 2022 et le Borussia Dortmund samedi, il a marqué en finale de la Ligue des Champions. Cerise sur le gateau, il a reçu cette saison le titre de joueur de la compétition.
"Tout indique un changement tactique et puisqu'il est peu probable qu'il joue en 9, la logique veut qu'il devra échanger son poste chez Vinicius", poursuit David. Pour autant, Mbappé ne peut pas revendiquer ce poste et il devra prouver qu'il mérite de passer devant le Brésilien qui, s'il a montré qu'il pouvait dézoner et évoluer en 4-4-2, n'est pas un joueur d'axe et surtout pas un ailier droit. Zinedine Zidane l'avait positionné à cet endroit, ce fut la pire version du Brésilien qui a gagné sa place de titulaire à force d'efforts et contre toutes les critiques, y compris de ses propres supporters.
Et vu son nouveau statut, il ne va pas se laisser déloger sans moufter. Son volume de course est impressionnant et il parvient à se mettre en avant tout en ne dérogeant pas au travail de l'ombre. La différence de rendement global avec Mbappé cette saison est éloquente tant le Français a semblé emprunté et sans jus, notamment en 1/4 et en 1/2 de Ligue des Champions, lors du Classique contre l'OM et même avec l'Equipe de France en mars dernier. Vinicius n'est plus ce joueur qui touchait trop le ballon et se perdait dans ses dribbles depuis bien longtemps. On parle d'un favori pour le Ballon d'Or, pas d'un passeur de plats. Même s'il peut s'énerver, l'Auriverde retrouve le fil conducteur et se nourrit de l'adversité qui se matérialise à présent par la venue de Mbappé.
Des lacunes pour évoluer en 9 ?
Depuis l'affaire du "Pivot gang" avec Christopher Galtier, Mbappé rechigne clairement à jouer dans l'axe, ce qui l'a en partie empêché de progresser dans son jeu de tête. Luis Enrique l'a quelques fois placé en 9 car son manque de repli déséquilibrait son équipe et c'est Ousmane Dembélé qui a dû s'adapter pour jouer en faux 9 alors qu'il est un pur ailier.
Il n'est pas question de le voir prendre le côté droit merengue non plus, étant donné qu'il n'y a presque pas joué depuis l'ère Unai Emery. Certes, ses capacités de percussion, sa vitesse de transition et ses innombrables tentatives de tirs sont versatiles, et le fait qu'il se trouve à gauche ou à droite du terrain, ne devrait - en théorie - pas être un trop gros problème pour un footballeur de son calibre. Or l'attaquant excelle avant tout à gauche.
Cette saison au Parc des Princes, Mbappé a d'ailleurs très majoritairement conservé une position d'ailier gauche. Plus impactant et toujours prêt à engager ses coéquipiers vers l'avant, il a plus ou moins procédé de la même manière match après match : avaler de l'espace, casser la ligne défensive, s'y faufiler et tirer du pied droit (243 fois, et 293 fois depuis l'intérieur de la surface - soit 90% du temps). Son jeu de tête, très peu sollicité et maîtrisé notamment dans l'axe de la zone adverse, n'a connu que 12 tentatives et ne constitue que 4% de la palette développée. Autre preuve que se réadapter à l'axe serait un travail de longue haleine.
Il n'y a qu'à se pencher également sur son dernier match avec le PSG à domicile (contre Toulouse en mai dernier), pour se rendre compte de la réduction de son impact sur l'équipe dès qu'il se trouve dans l'axe. En 90 minutes, l'attaquant a attendu qu'on lui passe la balle et malgré son but inscrit en début de match, il a largement manqué de justesse technique à la finition dès qu'il a été en possession du ballon. Plus vraiment en mesure de provoquer la défense puisque trop occupé dans le dernier geste, il perd de ce fait de sa splendeur.
Par ailleurs, en évoluant dans l'axe, Mbappé se retrouverait en concurrence avec Bellingham, élu meilleur joueur de la saison en Liga et meilleur jeune de la Ligue des Champions. Placé dans un rôle de meneur de jeu, l'Anglais a réalisé une phase aller tonitruante, inscrivant un doublé lors du Clásico à Montjuïc qui a marqué un premier tournant dans la saison. Même s'il a eu plus de mal par la suite (il a disputé près de 4000 minutes toutes compétitions confondues en comptant la sélection !), le transfert étoile de 2023 a réalisé une première saison de très haut vol, vu son âge et les différences entre la Bundesliga et la Liga.
La fin de carrière de Toni Kroos fera-t-elle reculer Bellingham d'un cran, laissant ainsi une place dans la ligne offensive ? Dans un tel cas de figure, qui se placerait dans l'axe et avec quels risques ? Les zones de protagonisme privilégiées des trois hommes se situant dans l'axe et à gauche, ils pourraient se marcher sur les pieds et s'annuler. À moins que l'un d'entre eux soit placé à droite, ce qui nécessitera un temps d'adaptation.
Rodrygo vers la sortie, Valverde sur le côté droit ?
Avant la finale de la Ligue des Champions, Rodrygo a clairement ouvert la porte à un départ même si, comme Mbappé, il a toujours rêver de joueur au Real Madrid depuis que son père, ancien joueur professionnel, lui avait ramené un maillot du club. Son match contre le BVB n'a assurément pas été son meilleur mais il a très souvent été décisif dans les matches à élimination directe en C1, factuellement davantage que Mbappé avec le PSG. Contre Manchester City en 1/4 de finale, il a marqué deux fois et contre le Bayern en demi-finale, il obtient le penalty du 2-2 à la 88e au Bernabéu. Et c'est sans oublier sa contribution épatante en 2022 où il sortait du banc pour faire basculer les matches.
Sa situation est précaire depuis plusieurs mois, sans oublier qu'Endrick arrive en juillet en provenance de Palmeiras. Sa valeur marchande est importante pour le Real Madrid et la Premier League pourrait s'offrir à lui sans grande difficulté. "Le Brésilien a fait des appels du pied à Manchester City ces dernières semaines, affirmant que l'équipe de Pep Guardiola est la meilleure équipe du monde, rappelle David. Plus tard, il a rectifié le tir, mais il a toutes les chances de perdre de son importance".
Si Rodrygo venait à rester, Joselu, Brahim Díaz et Arda Güler reculeraient encore dans la hiérarchie, malgré leur importance à un moment ou à un autre de la saison dernière : "ils pourraient tous voir leurs minutes et leurs perspectives de progression se réduire avec le Real Madrid".
S'il arrive dans un vestiaire où il connaîtra plusieurs joueurs de l'Equipe de France (Ferland Mendy, Aurélien Tchouaméni et Eduardo Camavinga), l'éco-système merengue demeure fragile alors qu'il a été "l'une des clés du succès des Blancos cette saison, au même titre que le gène compétitif et la qualité de l'équipe. Ancelotti a gardé tous les joueurs engagés, et en particulier ceux qui jouaient moins, analyse David. On ne sait pas comment une superstar mondiale du football s'intégrera au Bernabéu avec les egos que cela implique. Une grande partie des chances de remporter la 16e Ligue des Champions de son histoire en dépend".
Si l'arrivée de Mbappé ressemble à une version 3.0 des Galactiques, ce sera bien à lui de s'adapter à son équipe et pas l'inverse, ce qui fut le cas au PSG pendant 7 ans. Souvent laissé dans sa zone de confort, il devra se fondre dans un collectif qui a gagné plusieurs fois sans lui. S'il n'y parvient pas, alors ses conditions contractruelles (salaires, primes, droits à l'image de 70% contre 50% pour les autres) pourraient faire grincer des dents et déséquilibrer un vestiaire qui, précisément, a savamment su jouer l'équilibre entre les egos et la réussite collective.